« Aujourd’hui, avec ce que sont en train de réaliser nos voisins dans le domaine portuaire, il suffit que les frontières s’ouvrent pour que le port d’Oran devienne un petit port de pêche ou de plaisance », pense le premier responsable de l’EPO (entreprise portuaire d’Oran), pourtant favorable à une réforme, mais pas à un changement de cap à 180 degrés.
Le processus est engagé, mais les formes et modalités d’application du projet de privatisation des ports ne sont pas encore bien définies pour émettre un avis en conséquence », précise-t-il, tout en disant ignorer le sort qui sera réservé à l’entreprise qu’il dirige. Pour ne pas avoir été associés, les syndicalistes se sont élevés contre cette réforme.
« Nous aurions très bien pu émettre des avis qui auraient aidé à trouver des solutions adéquates, mais nous n’avons pas été consultés et pourtant la loi précise bien que le partenaire social doit être associé à toutes les décisions concernant l’entreprise », atteste M. Driss, coordinateur national de la coordination des syndicats des ports et SG de la section locale, qui revenait d’une réunion tenue lundi au ministère des Transports. Mercredi, il devait rencontrer ses pairs au port pour rendre compte du contenu des dernières négociations.
Le syndicat demande l’abrogation pure et simple du décret et des modalités du processus de privatisation auquel il n’a pas été associé. Revendication à laquelle le ministre aurait répondu qu’il n’était pas de son ressort de remettre en cause une décision prise lors d’un conseil des ministres. Pour M. Driss, les arguments donnés concernant les voisins marocain (Tanger II) et tunisien (Gades) ne sont pas pertinents pour la simple raison que ces ports sont nouvellement construits.
« Nous avons 1200 km de côtes et rien n’empêche les investisseurs de créer de nouveaux ports », explique-t-il à ce sujet en s’interrogeant sur les 400 milliards de dettes du port de Djen Djen. Selon lui, la priorité devait être accordée aux infrastructures et superstructures portuaires qui relèvent plutôt des travaux publics. « Au port d’Oran, nous avons acquis pour 48 milliards 2 grues de 63 t chacune, mais elles ne peuvent pas fonctionner parce que les quais présentent des problèmes de nivellement », relève-t-il en guise d’argument pour soutenir que l’EPO possède les qualifications requises pour la gestion, mais que les infrastructures doivent impérativement suivre, comme la consolidation des quais existants.
Le syndicat rejette toute forme de privatisation, de dissociation des activités économiques, de l’ouverture des capitaux et la révision de la convention STH (société de transport des hydrocarbures) qui accorde des prérogatives à Sonatrach au détriment des ports qui constituent son capital. Le PDG de l’EPO estime par ailleurs qu’« avant de parler d’exigence de performances, il faudrait aussi que toute la périphérie administrative et économique (banques, douanes, etc.) qui intervient dans l’activité portuaire doit être mise également à niveau ».
« L’Algérie n’a pas de stratégie du conteneur », ajoute-t-il en pensant à l’activité de transit. Selon les statistiques, à Oran, le taux de conteneurisation est passé de 9,42% en 1994 à 35,6 en 2005. Une tendance toujours en hausse, excepté pour l’année 2000 qui a enregistré une légère baisse par rapport à l’année précédente. En 2005, le trafic a atteint, en conteneurs pleins, donc presque exclusivement à l’importation, 54 871 EVP (conteneurs équivalent vingt pieds) contre 58 743 en 2004. Durant cette même période, le trafic de marchandises diverses a baissé de 2%, ce qui n’affecte pas l’augmentation du taux de conteneurisation, qui reste toujours en hausse.
Les conteneurs viennent des pays méditerranéens (11 699), de l’Europe de l’Ouest (40 898) d’Asie, d’Amérique centrale, d’Afrique de l’Est et d’Europe de l’Est. En prévision du développement de cette activité, en hausse également à l’échelle internationale, un projet local prévoit l’extension (une 1re phase) sur une superficie de 14 ha du terminal à conteneurs d’une superficie de 12 ha actuellement.
Le quai de Havane va être prolongé jusqu’à la jetée du Tessala, délimitant le port d’Oran du côté est, là où est implantée la centrale thermique du Ravin blanc. Le port d’Oran emploie un effectif de 800 permanents contre près de 2000 avant la réforme de 1982 qui a donné naissance aux entreprises portuaires. Le port, avec ses fonctions administratives, maritimes (pilotage, amarrage, remorquage, etc.), de manutention à terre et à bord (grues, engins divers) et de gestion du domaine public portuaire (terminaux spécialisés comme le terminal à bitume), emploie également quotidiennement entre 50 et 60 contractuels et journaliers.
Le port d’Oran est à vocation céréalière avec un trafic de 856 000 t de blé en 2005, une augmentation de 60% par rapport à 2004. Le vrac solide constitue en effet le gros du trafic avec 1 962 606 t en 2005 contre 1 160 986 en 2004. Dans le vrac liquide, les vins et alcools figurent en deuxième position dans la liste, juste après les hydrocarbures, mais cette activité n’a enregistré aucune entrée ni au premier trimestre 2005 ni à la même période de l’année en cours.
Au 31 mars 2006, on a enregistré un trafic de 35 207 passagers pour 8 354 véhicules qui ont transité par Oran. En 2005, ils sont 280 611 et 65 673 véhicules en sachant que la période estivale représente respectivement 67% et 65% du trafic global annuel.
Par Djamel Bénachour - El Watan, le 19 avril 2006