Les chaudes nuits oranaises cet été, c’est d’abord une tradition nocturne vivace, mais surtout une histoire de couleurs faites de lumières qui inspirent bien des noctambules...
Du front de mer à la Corniche, le littoral méditerranéen est ponctué de petits endroits tout aussi animés que pittoresques. Le slogan «El Bahia rime avec fiesta», ne rate aucun soir d’été pour retrouver tout son sens splendide. Oui, El Bahia est bel et bien réputée pour son front de mer qui se transforme en une immense terrasse nocturne animée, toutes les soirées, par les DJ des crémeries qui se succèdent aux platines.
L’ambiance est méditerranéenne, bon enfant, sympathique et sans manière. Dès 21 heures, tout Oran semble se tourner vers son front de mer pour y chercher le précieux bol d’air frais. Cette heure-là marque le début de la «migration» de tous ceux qui veulent fuir la chaleur. Des familles entières, des couples ou encore des groupes de jeunes profitent de la fraîcheur de l’air marin. Les quartiers animés et commerçants, durant le jour, tels Khemisti et Larbi Ben Mhidi, sont quasiment dépeuplés dès 20 heures.
Seul Choupot semble «résister» avec ses crémeries. Le centre-ville n’a que son front de mer pour attirer les grandes foules. C’est ici que les familles prennent leurs quartiers d’été chaque soir. Et un sacré pactole pour les crémeries et autres salons de thé, qui s’ouvrent les uns après les autres. Les terrasses bondées de parasols tout en jaune canari rivalisent pour s’offrir en terres conquises et ultrabranchées, de hauts lieux de détente. «Cette terrasse est amusante. Les glaces sont chères, certes, mais quand on est en vacances, on ne compte pas», lâche un père d’une famille algéroise. «C’est la troisième fois que nous venons ici. L’ambiance est indescriptible. Toute la famille est accro de ce front de mer», enchaîne sa femme.
Près d’eux, au milieu d’un espace vert jouxtant le consulat marocain, un photographe propose des prises de photos souvenir originales: Une fillette se laisse volontiers monter sur un robuste cheval gris accroché à une romantique charrette. «200 dinars la pose», propose le bonhomme. Les familles ne résistent pas au spectacle. Les flashs se déchaînent. En face, tout le monde semble s’agripper sur le bord d’un front de mer toujours en épousailles: ici et là, les taches rouges et jaunes que font les bateaux en rade dans le port, tanguent sur les flots. D’ici l’on aperçoit tous les bateaux qui finissent, là, leur périple méditerranéen pour venir orner le vieux port.
C’est sans doute grâce à eux que ce long bout de littoral est resté si authentique, si sympathique. «Le décor d’autrefois n’a pas bougé», atteste un septuagénaire. Pittoresque, vibrant de vie, ce boulevard invite vraiment à la flânerie. L’endroit est à lui seul, une carte postale grandeur nature. Une forteresse d’où on y laisse aisément le regard s’échapper vers la mer. Plus loin d’ici, un nouveau complexe hôtelier, érigé pour répondre aux besoins d’une clientèle aisée. Toutefois, depuis son ouverture, il n’attire pas que les riches.
Le soir, le rond-point le jouxtant n’a pas résisté à la tentation de devenir un lieu de pèlerinage pour les familles. Au milieu, une succession de jets se rejoignent pour désigner une modeste barque. Autour, les familles s’étalent sur la généreuse pelouse et admirent les contrastes lumineux qui se déclinent des mouvements synchronisés des eaux. Un mélange d’eau et de lumières. «Ici, la sécurité est totale», dit un vendeur de cigarettes qui a installé sa «planque» dans un coin stratégique. La police est, en effet, omniprésente, ici, pour veiller sur la quiétude des lieux. Nous sommes, certes, à la veille de l’ouverture du Festival du raï. Mais, il n’y a pas qu’un tel rituel qui fait embraser la ville. Longtemps phare culturel de tout l’Ouest, Oran a toujours su attirer les «estivants d’ici et d’ailleurs.»
Bien sûr, qu’il y a des villages balnéaires, sortis de terre comme des champignons. Oran, ce n’est certes pas que des discothèques et des pistes de danse. Mais il faut dire que les boîtes que font craquer les décibels pullulent sur la côte. Dans les hôtels ou dans les complexes de la corniche, des concerts de stars du raï et des spectacles de danse orientale sont souvent organisés. Mais les folles nuits oranaises ne profitent pas qu’aux hôtels. Pour Brahim, gérant d’une célèbre discothèque sur le littoral, «les nuits d’été sont une bénédiction.»
De nombreux noctambules préfèrent, en effet, louer près de ces coins «branchés», pour ne pas à avoir à se déplacer très loin au retour, au lever du jour. Ici, restaurants et discothèques ne désemplissent pas, et les magasins restent ouverts passé minuit. La discothèque que gère Brahim s’ouvre dès 22 heures. L’entrée est gratuite. Mais une fois dedans, les consommations sont très chères. «Beaucoup d’étrangers viennent ici: des Turcs, des Syriens, des Chinois...», énumère fièrement notre interlocuteur. Sol d’ardoise, banquettes marocaines, cuisine diversifiée: l’endroit n’est certes pas grand chic, mais plutôt sympathique. La clientèle est entre 35 et 45 ans. Ici, certains viennent s’encanailler et jettent dédaigneusement quelques billets aux danseuses fatiguées.
Il est minuit. «C’est timide !», confie Brahim. «En juin dernier, on disait que c’est à cause de la Coupe du monde. Mais même en juillet, ce n’était pas si terrible. Non, franchement on est loin des grandes foules de l’an dernier», regrette encore notre interlocuteur. A 2 heures du matin, quelques tables sont encore occupées par de rares clients. Mais on danse quand même sur les tubes de l’été dernier. L’ambiance est tout de même festive, voire fébrile soutenue par l’irrésistible raï. En fait, l’ambiance est pareille dans toutes ces boîtes anonymes de la côte.
Par Amine L. - Quotidien d'Oran